Mauvaise Odeur (Partie 2)

Publié le par Lukasland

Seconde Partie de la nouvelle...


 

    Saloperie… Saloperie de saloperie

    ‘Gaffe où tu mets les pieds.

Esterd et Nocobus se trouvaient sous la cuve du cargo. Les semelles de leurs chaussures trempaient dans une eau stagnante couleur vomi. Ils évoluaient le long d’une étroite coursive aux parois traversées d’épais tuyaux crasseux dont les armatures métalliques présentaient d’inquiétants signes de rouille. Des jets de vapeurs à haute pression fusaient de certaines entailles creusées dans l’épaisseur des gaines rongées. Nocubus venait justement de se prendre un faisceau en pleine figure, ce qui l’avait surpris et déséquilibré, manquant de peu de le faire basculer dans la marre de flotte croupie dans laquelle ils pataugeaient allègrement depuis un bon quart d'heure. En l’absence de la protection de la visière de son casque MOUS, son visage se serait immédiatement évaporé en grosses cloques de chaires boursouflées… Mais ça, Nocubus n’avait pas assez d’imagination pour se le représenter.

— Saloperie… Brailla-t-il. J’ai bien failli me foutre dedans, dit donc !  

Nocubus se tourna vers son compagnon, un sourire béa écartant sa grosse bouche aux lèvres gercées. La lampe frontale de son casque éclaira un instant la visière opaque qui lui faisait face. Derrière l’écran maculé de mucosités, le visage d’Esterd lui demeurait invisible.

— Tu te souviens bien d’où c’est qu’il se trouve le désembrayeur manuel ? Hein ?

L’émetteur-récepteur qui équipait l’intérieur de son casque émit un sifflement atroce. Nocubus grinça des dents. Puis la voix d’Esterd lui parvint, mais étouffée par un désagréable crépitement :

— …quiète …as. …onnais les recoins de e …afiau …omme …a …poch.  

Une vraie saloperie, cette émetteur-récepteur. Du matériel de seconde zone. La dernière fois qu’il s’en était servi, Nocubus avait capté les ondes d’une émission extra-terrestre déblatérée dans un jargon gutturale qui l’avait laissé vraiment sceptique…

Nocubus reprit sa marche le long de la coursive. Des câbles aux couleurs délavées pendaient du plafond bas comme des lianes avachies, et, en plus de devoir prendre garde aux jets de vapeurs latéraux et aux obstacles vicieux dissimulés à sa vue par la trentaine de centimètres de mélasse liquide qui croupissait sur le sol de taule, Nocubus devait aussi gérer ces filets élastiques grésillant d’étincelles, dans lesquels il risquait de s’empêtrer s’il lui arrivait ne serait-ce que de se laisser capturer un bout de bras... Il va sans dire qu’à certains endroits, la progression tenait du véritable parcours du combattant.

Tout en courbant l’échine pour passer soigneusement sous l’une de ces toiles électrifiées, Nocubus apostropha son acolyte :

— On avait jamais eu un pépin comme celui-là, avant… Hein ? 

Il parlait volontairement fort dans le micro de son émetteur pour être bien certain qu’Esterd le recevrait. La réponse lui parvint, claire cette fois-ci.

— Non. Mais c’est toujours pareil, qu’est-ce tu veux… Plus d’pognon. Plus d’matos… Alors tout se dégrade… Pis un jour, ça nous pète à la figure…

— Et c’est encore loin l’écoutille ?  

Esterd s’octroya une seconde de réflexion :

— …inq minutes à tout broyer. …audra se …ettre … deux …ur …ourner...  

Le récepteur faisait de nouveau des siennes. Nocubus tapa nerveusement de la paume de sa main gantée contre le côté de son casque sans que cela n’y change rien. Il haussa les épaules juste avant de trébucher sur un renflement immergé. Il rétablit rapidement son équilibre en s’appuyant sur un pan du mur à sa droite qu’une épaisse pellicule goudronnâtre enduisait. Lorsqu’il examina la paume de sa main à la lueur de sa lampe frontale, il s’aperçut que la substance gluante en avait maculé le gant. Il s’essuya prestement la main sur la jambe de sa combinaison dans un réflexe absurde.

— A’y est. C’est là. Droit d’vant.

Esterd pointa un index jaune sur un espace devant eux : la coursive s’évasait à cet endroit pour former une petite rotonde dont les tuyaux muraux épousaient la convexité.

Nocubus laissa son compagnon passer devant. Esterd vint se positionner sous une trappe incurvée aménagée dans le plafond et condamnée par deux valves que l’on actionnait manuellement.

— …aut …tionner mêm… …emps.

Nocubus fit un signe négatif de la tête en tapant son index contre l’oreillette de son casque pour faire comprendre à Esterd qu’il n’avait rien entendu.

— Faut qu’on actionne …même temps les deux valves.

— OK ! Hurla Nocubus dans son casque.

L’opération était délicate. Nocubus n’en doutait pas.

Au-dessus d’eux, la cuve modulaire du cargo-poubelle E1857, destinée à être larguée sur Proctolus, la planète poubelle. Six cent mille tonnes d’ordures et de déchets organiques, comprimés, compactés, macérant dans le juteux fluide putrescent de leur excédent exsudé. Un océan répulsif d’immondices. Toute la chiasse excédentaire de l’humanité.

Si l’univers était une grande et vaste baraque, le cargo de Nocubus tenait lieu de chiottes. Et en ce moment précis, il n’était pas idiot d’affirmer qu’Esterd et lui se trouvaient précisément sous la cuvette, pas loin de l’épicentre à merde.

— …Aura un quart d’heure pour …gagner la cabine…

Oui… Un quart d’heure pour regagner la sécurité du cargo : ça ne laissait pas beaucoup de marge. Mais ils n’avaient pas le choix…

Les deux compères se positionnèrent sous les valves qui actionnaient la libération de la trappe. Ils les tournèrent en même temps, dans un mouvement synchrone. La trappe céda, laissant échapper une brusque rivière d’un liquide noirâtre qui dégoulina sur la visière du casque de Nocubus et éclaboussa le devant de sa combinaison, obstruant sa vision.

— Saloperie, grogna-t-il en balayant de sa main gantée sa visière souillée, ne faisant qu’étaler un peu plus la mélasse au lieu de l’éponger. Esterd lui fila un coup de main pour la rendre à-peu-près propre.

Les deux hommes vinrent se positionner sous le conduit dégagé, éclairant son intérieur du mince faisceau de leur lampe frontale. C’était un passage étroit tapissé d’une échelle aux barreaux rudimentaires grimpant à la verticale. Un puit noir, sombre orifice d’où s’échappait une odeur sanieuse, purulente, pestilentielle, proprement infecte, que même l’étanchéité de leur combinaison MOUS ne parvenait pas à repousser. Quelque chose de vraiment atroce. Qui semblait s’insinuer jusque dans leur chair. Il fallait avoir l’estomac bien accroché pour en supporter l’impact. Et en dépit de son habitude à en respirer au quotidien son lointain dégradé, lorsque la pure décharge olfactive descendit sur Nocubus et qu’il en fut tout enveloppé, il ne pu réprimer un haut-le-cœur qu’il étancha par une violente éructation.

Rien ne peut ôter à la merde son odeur. C’était la seule certitude que Nocubus avait acquise au cours de ses trente années de métier…

— Ouais… On est en dessous… Pile-poil. Précisa Esterd avant d’ajouter : il y’en faut un de nous deux qui grimpe là-dedans… Pour enclencher le désembrayeur.

Esterd consulta le bracelet qui lui ceignait le poignet gauche.

— Il nous reste une vingtaine de minutes avant le largage du paquet. Alors faut s’grouiller.

Tout fout lamentablement le camp, pensa Nocubus sous l’effet d’un soudain accès de déprime. L’humanité, la Terre, l’univers, ce cargo, nos vies… La réalité lui apparaissait brusquement comme une barque fragile aspirée dans les courants d’une spirale infernale. Un tourbillon de flotte dont les remous cycliques lui évoquaient, par une curieuse association d’idées, les gros glouglous fumasses d’une chasse d’eau qu’on vient de tirer. Quoiqu’on fasse, implacablement, nos existences sont aspirées par la Grande Chasse d’Eau Cosmique. Direction Trou-Noir-Land. Où tout le monde finira la tête dans son caca.

— Je grimpe… Maugréa Nocubus. Il y eu un nouveau crépitement dans son oreillette. L’émetteur-récepteur capricieux avait avalé la réponse d’Esterd.

— J’ai dit : je grimpe ! hurla Nocubus dans son casque.

La voix d’Esterd finit par percer le mur de crépitements :

— …Ok…

D’un mouvement du bras, Esterd fit descendre la partie coulissante de l’échelle et céda sa place à Nocubus qui en commença l’ascension. Ses gants lisses glissaient dangereusement sur les cylindres de fer dévorés par une rouille qui les rendait traîtreusement friables. Nocubus dut déployer mille précautions pour assurer ses prises. Au terme d’une fastidieuse ascension, il parvint à une plateforme sur laquelle il se hissa à la force des bras, en ahanant. Il se redressa et manqua de se cogner le plat du crâne au plafond bas. Il n’y avait pas de place pour tenir à deux ici, et l’épouvantable puanteur qui coulait déjà en bas semblait atteindre son paroxysme. Nocubus se mordit la langue pour ne pas régurgiter son repas du déjeuner. Le goût du whisky qui lui embaumait le palais n’aidait pas. Il devait penser à autre chose, pour oublier l’odeur. Il balada le pinceau de sa lampe frontale autour de lui. Les murs qui le cernaient étaient intégralement recouverts d’une épaisse croûte de moisissure d’où suintait une tumescence opaque qui arborait un aspect organique. C’était vraiment dégueulasse. Comme si toute la merde enfermée dans la soute pourtant étanche du cargo avait fini par se contaminer à l’appareil. Comme si à son contact, toute chose devenait pourriture.

Ne suis-je pas moi-même en train de me merdifier ?

Il frissonna et écarta cette drôle de pensée de son esprit. Puis il se tourna vers l’échelle qu’il venait de gravir et jeta un coup d’œil en contrebas. Il aperçut Esterd, aux pieds de l’échelle, qui lui faisait un signe de la main. Il lui rendit son signe.

— …Sur ta droite. Doit y’avoir …caisse …et …boîtier.

Nocubus pivota sur ses talons et fouilla les ténèbres, suivant les indications de son compagnon. Il n’avait qu’une idée en tête : finir au plus vite cette saloperie pour regagner le confort relatif de leur cabine, loin de tout ce flamboyant merdier.

Il trouva facilement le caisson. Intégré à la paroi du mur. Il dut, en prenant sur lui, en arracher la couche de putrescence qui l’emprisonnait jalousement dans une gangue molle. Lorsqu’il tenta d’arracher la matière visqueuse, de vives giclées trissèrent tous azimuts.

Saloperie, râla-t-il dans sa barbe.

Il s’efforçait de respirer uniquement par la bouche, mais même ainsi, la puanteur environnante parvenait à se frayer un passage jusqu’à son cerveau, semblant s’immiscer vicieusement par chaque pore de sa peau…

Il déblaya le caisson jusqu’à en découvrir l’acier.

— Ça y est. C’est fait. J’ai le caisson sous les yeux. Et maintenant ?

Il y eut quelques secondes d’attente. Nocubus était sur le point de se répéter lorsque la réponse d’Esterd lui parvint :

— …Ouvre-le…

Nocubus s’exécuta. Ses mains palpèrent la surface du boîtier puis agrippèrent une encoche positionnée sur son flanc. Il tira le battant à lui. Le couvercle s’ouvrit sans opposer de résistance, libérant un dispositif électronique muni de deux boutons à pressoir en plus ou moins bon état.

— J’y suis…

Nocubus attendit les indications de son collègue. Au lieu de cela, il reçut pour tout commentaire :

— …Nom de dieu

Nocubus se redressa si vivement qu’il se cogna violemment le sommet du crâne au plafond. Le blasphème d’Esterd avait eu sur lui l’effet d’un coup de point. Jamais il n’avait, en trente ans de collaboration, entendu son collègue jurer au nom de Dieu…

— Esterd ? Qu’est-ce qui se passe ? Esterd ? T’es toujours là ?

Nouvelle pluie électrique dans ses écouteurs. Puis, la voix complètement affolée d’Esterd :

Nocubus ! Descends tout de suite ! Vite ! Je crois que …é …sas on …chés…

Nocubus n’avait pas besoin d’en comprendre davantage. La détresse contenue dans la voix de son coéquipier en disait plus long que n’importe quel mot.

C’est à ce moment que Nocubus perçut le bruit. Un lointain et vague froissement de taule. Comme si le cargo lançait des gémissements métalliques. Autour de lui, les murs et le plancher commencèrent à s’ébranler…

Nocubus se jeta sur l’échelle et en descendit les barreaux quatre à quatre, manquant à plusieurs reprises de basculer cul par-dessus tête. Il atterrit les pieds dans la flotte, faisant gicler de grandes éclaboussures. Devant lui se tenait Esterd. Nocubus pouvait lire les traits de son visage derrière la visière de son casque. C’était un masque de pure terreur. Le plancher continua à se dérober sous eux, les murs à trembler, comme si la main d’un géant s’était saisie de la cuve et s’amusait à la soulever. Bientôt, un autre bruit vint se superposer au formidable barrissement d’acier qui crevait le silence. Un bruit qui acheva de faire éclore en eux le germe d’une peur-panique totalement aliénante…

Un bruit liquide.

Puissant grondement de flots rageurs libérés de leurs entraves, roulant avidement au travers du réseau complexe des galeries se déployant dans la soute, sous la cuve. Grand galop pétulant de merde lancé à leurs trousses.

            Nocubus ne pensa plus à rien. L’instinct de survie l’emporta sur tout le reste. Sans plus attendre une seconde, il s’élança dans l’étroite coursive, laissant Esterd en plan derrière lui.

Esterd demeura cloué sur place. Il regarda Nocubus s’éloigner à grandes foulées le long des tuyères murales. Il comprenait ce qui se passait. Il savait que ça devait arriver d’une manière ou d’une autre, qu’ils étaient amenés à finir de la sorte… Sans aucun moyen, vivant sur la corde raide depuis des années, rafistolant par-ci, rafistolant par-là... Le cargo, ne bénéficiant d’aucune assistance extérieure pour remédier à ses avaries et autres défaillances, s’était lentement mais sûrement acheminé vers son point de dégradation totale. L’entropie avait fini par le vaincre. Esterd aurait volontiers couru sur les traces de son compagnon, s’il n’avait su pertinemment que toute tentative de fuite était désormais vaine. Le bruit qui leur était parvenu, c’était celui de l’un des trois sas de la soute – peut-être même de deux, voire des trois, allez savoir... Autrement dit, le seul et unique rempart qui séparait la soute du contenu de la cuve. Pour une raison qu’Esterd ne chercherait jamais à élucider, l’une de ces barrières avait cédé…

Esterd se retourna. Le sourd bouillonnement se faisait de plus en plus fort au devant de lui.

Il se dit que pour la seule fois de sa carrière, il n’assisterait pas au spectacle de l’entrée en atmosphère de la cuve. Ce constat ironique lui mit un sourire aux lèvres.

    Saloperie, souffla-t-il.

            Ce fut son dernier mot.

Il souriait toujours lorsque la marée tentaculaire l’engloutit tout entier.

 

 

 

Nocubus courut autant qu’il put. Jusqu’à ce que ses poumons, dans sa poitrine, ne se réduisent à deux blocs de chairs enflammées. Il haletait comme un pauvre diable. Les muscles de ses jambes raidis par l’effort, la sueur dégoulinant de son front, coulant dans ses yeux sans qu’il puisse l’essuyer.

 Ce qui l’acheva, ce fût la lampe. Elle lui claqua entre les doigts alors qu’il était arrivé à-peu-près au trois-quarts du chemin. Il se retrouva aussitôt plongé dans une obscurité totale. Imperméable. Impénétrable… Et derrière lui – il pouvait l’entendre – le grondement sourd de cette montagne liquide, de ces décalitres de merde, tout ce que l’humanité avait pu expurger, tout ce dans quoi il avait pataugé sa vie entière, ces flots puants, immondes – il pouvait les entendre – qui roulaient inexorablement à sa rencontre et tanguaient leurs hanches huileuses dans le petit boyau obscur du passage…

Comme un rat pris au piège, il tourna en rond, et tâtonna frénétiquement autour de lui. L’arrondi des tuyaux mal fichus accolés à la paroi. L’échancrure d’un casier aménagé dans le mur… Impossible de s’orienter sans lumière. Le grondement se rapprocha. A une vitesse alarmante. Il entama un pas dans la direction opposée. Il s’accrochait désespérément à la vie, mû par l’impulsion atavique de la créature acculée. Son épaule heurta violemment un obstacle qui lui fit perdre l’équilibre. Il vacilla. Tomba. Les mains devant. Dans la marre croupissante recouvrant le sol. Il se releva en trébuchant. Il gémit dans son casque. Sa plainte sonnait étrangement à ses oreilles. On aurait dit la voix d’un petit enfant. 

La masse fondit sur lui. Un mur liquide qui le frappa de plein fouet. Il fut balayé comme un vulgaire pantin. Le liquide poisseux mit sa combinaison en charpies. Les flots rageurs éclatèrent sa visière. Le liquide infâme entra par son nez. Par sa bouche. Par ses oreilles. S’enfonçant jusque dans ses boyaux. Fourmillant sur chaque centimètre carré de sa peau. Le pénétrant de toutes parts. L’avalant. Le macérant. Le malaxant. Déjection coulante et chaude. Il eut le temps, une fraction de seconde arrachée à sa perception décroissante, de capturer sa véritable odeur. Son odeur totale. Quelque chose d’inconcevable. Une odeur de mort, qui dépassait l’entendement. Il en aurait gerber jusqu’à en crever.

Son corps, ballotté, dévoré par les courants corrosifs et furibonds, se dissout dans l’épaisse mélasse qui poursuivit sa course effrénée que plus rien désormais ne pouvait arrêter. Il se fondit dans l’immondice. Sa peau lentement mais sûrement diluée.

Corps humain à la peau blanche, il redevint merde.

L’épouvantable marrée viola le sanctuaire du cargo, envahissant chaque parcelle de ses quartiers. Cloisons. Murs. Sols et plafonds. Mobiliers. Les systèmes informatiques sautèrent les uns à la suite des autres. Bientôt, le cargo ne fut plus qu’une énorme masse inerte abandonnée à elle-même, dévorée de l’intérieur. Privée de la propulsion de ses réacteurs, sa structure, prise, dans le champ gravifique de la planète poubelle, s’inclina progressivement vers la boule brunâtre pour amorcer une lente descente.

Le cargo entra dans l’atmosphère de Proctolus au terme d’une superbe parabole. Son fuselage mat, au frottement de l’air, se para d’une infernale robe rouge. Puis il se mit à fondre avant de se disloquer en petits météores d’acier. La cuve, chauffée à blanc, gros ventre rond du monstre de ferraille, fut la première à se percer. Des cataractes liquides jaillirent de ses entailles à vif, déployant dans son sillage d’immenses banderoles de fluides et de flammes multicolores semblables à des viscères folles agitées par le vent. Le monstre perdait ses entrailles nauséabondes dans un dernier feu d’artifice.

La planète poubelle n’en fit qu’une bouchée.

Il y eut une fracassante explosion à la surface de Proctolus, immédiatement suivie d’un bourgeonnement d’éclats stroboscopiques qui illuminèrent ses cieux tandis que sa surface affamée engloutissait l’intégralité du vaisseau.

Un ultime soubresaut agita le couvercle nuageux. Mince filet de vapeur s’élevant avec paresse.

La planète, repue, lâchait un rot de lumière pour marquer son contentement.

En attendant le prochain festin.

 

 

 

Publié dans Nouvelles

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