Le chant secret du monde

Publié le par Lukas

Ecoute, belle, le lointain bruit du ciel

Ces sons mystérieux qui coulent du silence

Qui s’épanchent, sinueux, jusqu’à nos oreilles

A peine perceptibles, et pourtant si denses :

La plainte des nuages, le cri du soleil,

Le soupir des étoiles quand l’aube s’éveille.

 

Ecoute, mon ange, le chant de la nature

Au petit matin frais, lorsque le jour renaît :

Frisson de l’herbe grasse coiffant les pâtures

Rire taquin du vent sifflant dans les remblais

Et le froufroutement des arbres solennels

Qui bordent les champs d’or comme des sentinelles,

Et qui jettent, teigneux, sur l’argent des rivières

Les sourcils broussailleux de leur ombre sévère…

 

Ma mie, entends-tu, de tout là-bas, si distant,

La respiration de l’océan si vaste

Ce grand poumon marin aux courants enlaçant

Ses marées revenues, ses incessants ressacs

Le tangage liquide de ses longues vagues

Lapant les noirs galets d’une petite plage,

Et ses crêtes d’écume investissant les dunes

D’une crique oubliée jalousée par la lune ?

 

Perçois-tu, ma tendre, le son des corps qui tremblent

Dans la torpeur moitie de l’ombre d’une chambre

Le râle des amants de nouveau réunis

Qui s’épuisent d’amour jusqu’au creux de la nuit

Les perles de sueur roulant sur leurs peaux nues

Les lèvres se scellant en baisers éperdus

Tandis que dans la flamme de leur passion

Se consument les vestiges de leur raison ?

 

Entends-tu, ma douce, l’inaudible complainte

De ces cris intérieurs qui martèlent les cœurs

De ces hurlements tus tout gorgés de douleurs,

Qui grincent silencieux, tel le bruit d’une plinthe

Ces grouillements secrets et gardés enfermés

Dans le secret coffret de notre intégrité.

Les sanglots anonymes du monde qui souffre

Ces roulis de fureur, les entends-tu, ma douce ?

 

Si l’on pouvait saisir la somme de ces sons

Ces galaxies sonores, ces constellations

Qui dansent à l’aurore de nos perceptions ;

Si l’on était capable dans ces assonances

De déchiffrer la trame de correspondances ;

De lourdes vérités s’ouvriraient à nos sens

En s’imposant à nous comme des évidences.

Et sans le moindre doute nous serions grandis

En écoutant ce chant : le chant de la vraie vie.

 

 

31 / 03 / 2011

Publié dans Poésie

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