Maisons Immortelles

Publié le par Lukas




Par la fenêtre entrouverte me parviennent les cris

Des marchands du marché amassés à leur table

Et qui ventent, ténors émérites, infatigables,

La bien heureuse qualité de leurs divers produits.

 

On peut entendre, si l’on prête un peu l’attention,

Le piétinement de la foule noyé sous la houle

Des conversations.

Et parfois, perçant, espiègle, et blanc,

Le miracle éphémère du rire d’un enfant.

 

La marée des toiles blanches qui couvrent les étales

S’étale, un peu pâle, sous le moutonnement d’un ciel gris.

Le mois de juillet, avancé, semble aigri.

Cupide, il garde pour lui sa chaleur estivale.

 

Les insectes, au dehors, tracent des arabesques paresseuses

Qu’en contrepoint reprennent des oiseaux aux courtes ailes.

Et sur la route, quelques voitures s’écoulent mollement

Sur les artères de la ville, grand corps de goudron et de tuiles.

 

Par le cadre tronqué de ma fenêtre j’entrevois

Ici, le vert éclatant d’un bouquet d’arbres

Là, le rose saumon d’une toiture de tuiles

Ici, le blanc d’une plaque de marbre

Là, le noir anthracite d’un portail érectile.

Les bâtisses, lourdes et grasses, comme trop pleines de gens

Semblent heureuses d’être assises et d’affronter le temps.

En leurs flancs immobiles les hommes vivent et vivront

Sous leurs chapeaux de tuiles, combien encore mourront ?

Et je pense soudain que ces maisons et tours,

N’ont pas à craindre l’imminence d’une fin.

Lorsque j’aurai atteint le bout de mon chemin,

Elles se tiendront debout, encore et pour toujours,

Le regard de leurs fenêtres posé sur les mortels

Qui, petits êtres frêles, piétinent leur parcelle.

 

Comme les actes des hommes qui se répètent à l’infini,

Le marché, dans cent ans, ou bien mille, sera toujours là.

Et les cris des marchands, bien que différents,

Et le rire d’un enfant, bien que pas tout à fait le même,

Toujours là, comme le vaste dais du ciel

Qu’un autre poète contemplera peut-être

Sous le regard indolent des maisons immortelles.

 

 

 

 

           

11/07/2009

Publié dans Poésie

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